L’investissement de départ est élevé. Il est toutefois possible de louer un café en activité.
L’emplacement, le cadre intérieur et la qualité de service sont les facteurs-clés du succès dans ce domaine.
La marge nette est alléchante : 60% au moins, si l’on surveille de près son business.
On ne peut traverser un boulevard, une grande ou même une petite rue, sans apercevoir la terrasse d’au moins un café. Que ce soit dans un quartier populaire ou huppé, les cafés sont fortement fréquentés par les Marocains. La demande existe mais la concurrence aussi. Qu’est-ce qui a motivé des milliers d’entrepreneurs ou de particuliers à placer leur argent dans ce business ? Certainement la rentabilité. Pour un beau café, bien situé, le chiffre d’affaires journalier moyen peut atteindre les 10 000 dirhams. Seulement, pour dégager autant de cash, il faut miser gros au départ. A titre d’exemple, le café Venezia Ice, situé au cœur du quartier Maârif à Casablanca, a coûté, lors de sa création en 2000, près de 10 millions de dirhams.
Mais ce n’est pas une règle générale. Le montant de l’investissement dépend de plusieurs paramètres : emplacement, superficie, travaux d’aménagement, équipement… Parfois, nul besoin de construire, on peut reprendre un café en activité ou le louer, c’est selon ses moyens.
Outre l’investissement et ses paramètres, gérer un café n’est pas une tâche aisée. Attirer et fidéliser sa clientèle, coiffer et contrôler son personnel, approvisionner et tenir la comptabilité, c’est une véritable entreprise. Voici quelques règles du métier.
Avant tout une question d’emplacement…
Mis à part les prix, la qualité du service et la convivialité du cadre, la réussite d’un café est avant tout tributaire de son emplacement. L’achalandage est le point déterminant dans l’affaire, car le fait qu’un café soit positionné dans une zone marchande, une grand artère de la ville ou un quartier d’entreprises impacte totalement l’activité, et par conséquent le prix du terrain. Un professionnel du métier affirme qu’un local situé au quartier Maârif ou Gauthier (Casablanca), par exemple, peut coûter de 20 000 jusqu’à 50 000 dirhams le m2. Et encore faut-il le trouver! Au quartier Bourgogne ou sur le boulevard du 2 Mars, les prix sont moins élevés (15 000 à 30 000 DH/m2). On le comprend donc, le prix du local, fortement dépendant de l’emplacement, reste l’élément le plus pesant sur la dépense d’investissement. Car, quand on multiplie le prix du mètre carré par la superficie minimum nécessaire pour monter un café, le montant devient conséquent. Surtout lorsque l’on sait que la superficie doit être au minimum de 150 m2 pour pouvoir disposer, à la fin, d’un café moyennement spacieux. Il faut avoir à l’esprit que ces 150 mètres vont être laminés par l’espace nécessaire au comptoir, à la cuisine, aux toilettes…, ce qui fait que l’espace que vous espériez gagner en aménageant une soupente sera perdu. Pour cette superficie, il faut compter près de 2 millions de dirhams minimum, ce qui représente plus que la moitié de la dépense totale.
Plus convivial… plus cher
A ces deux millions, s’ajoutent les dépenses occasionnées par les travaux d’aménagement. Faire appel à un architecte designer est très important, car bon nombre de propriétaires qui se sont aventurés à mener seuls les aménagements se sont trouvés dans l’obligation de démolir et de rebâtir, augmentant considérablement la facture. L’architecte designer conduira le chantier en choisissant ce qu’il y a de mieux en fonction du plan du local. Pour la facture, un propriétaire de café affirme que l’aménagement de quelque 150 m2 avec sous-pente lui a coûté près de 1,3 million de dirhams. Cela est bien entendu lié à la qualité attendue, à la simplicité des plans et à la volonté d’utiliser des matériaux nobles.
Place maintenant au matériel. Tables et chaises, machine à café, réfrigérateur, tasses, verres et théières, pour les équipements de base, aquariums, écran géant, tableaux et autres meubles pour la décoration, il faut bien garnir son café car c’est cela qui fait la différence pour les clients.
En fait, tout est une question de moyens, car les équipements, il en existe à tous les prix, avec des qualités variées. A commencer par les chaises. Leur prix va de 200 dirhams (ou même moins) pour celles en métal, produites localement, à 3 000 dirhams pour les articles design, tout inox, importés. Mais avec un budget chaises de 750à 1 000 dirhams l’unité, vous pouvez avoir de la bonne qualité. Les tables, elles, tournent autour de 700 dirhams l’unité. Les tasses et sous-tasses varient de 2 dirhams à 22 dirhams. La machine à café existe en différentes catégories, de la petite manuelle à 7 000 dirhams à celle, high-tech, qui va chercher dans les 50 000 dirhams. Bien entendu, la liste n’est pas exhaustive. De fait, les manques apparaissent au fur et à mesure que l’on équipe son café. Au total, et selon les estimations des professionnels, la dépense globale varie de 3 à 10 millions de dirhams. C’est donc un investissement qui mobilise des fonds importants, mais la rentabilité est alléchante et votre placement prend de la valeur. Vous vous en apercevrez si vous optez pour l’achat d’un café en activité : la valeur du fonds de commerce double en quelques années et continue à évoluer. Certains en ont même fait un business, en créant des cafés et en les revendant quelques années plus tard, une fois bien positionnés.
Et si vous ne disposez pas de sufisamment de fonds pour investir ? Sachez que vous pouvez louer un café, en n’ayant à débourser au départ qu’une caution de quelques milliers de dirhams. La pratique est courante. A titre d’exemple, pour un café dont le chiffre d’affaires journalier moyen est de 3 000 dirhams, le loyer est de l’ordre de 1 000 dirhams par jour. Un exploitant de café affirme qu’avec ce chiffre d’affaires et ce loyer, le bénéfice net quotidien est près de 1 000 dirhams, soit 30 000 dirhams par mois pour quelqu’un qui n’a ni investi de l’argent ni peiné à monter l’affaire.
Votre café, vous pouvez le créer soit en tant que personne physique, soit en tant que société. Les professionnels précisent que la forme juridique la mieux adaptée est la SARL (Société à responsabilité limitée), et cela pour des raisons de contrôle fiscal. Mais, avant la constitution de la société, il faut commencer par l’obtention de l’autorisation d’aménagement auprès de la commune. Un écrit doit être adressé avec le contrat de bail et quelques pièces administratives pour qu’une commission soit formée et fasse une visite sur place. Après obtention de l’autorisation d’aménagement (qui peut prendre 15 jours ou 6 mois), les travaux peuvent démarrer.
Deuxième étape, quand l’aménagement prend fin, il faut obtenir l’autorisation d’ouverture ou d’exploitation. Celle-ci s’obtient de la même manière que la demande d’aménagement, en ajoutant au dossier des photographies du café ainsi que les plans approuvés par un architecte. Et là vous devez vous attendre à la visite d’un certain nombre de responsables administratifs, tel le médecin chargé de contrôler l’hygiène.
Vous pouvez désormais constituer votre société, pour ensuite demander les autorisations pour l’enseigne et les stores avant de démarrer votre activité. A ce titre, cette profession est assujettie à un bon nombre de taxes communales, qui irritent propriétaires et exploitants (voir tableau en page précédente).
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Mustapha Khallouqui est l’un de ces MRE qui ont eu le mal du pays et qui sont rentrés pour retrouver leur famille, mais aussi pour investir dans leur région natale. A l’issue d’une carrière de dix ans dans la restauration, en Angleterre, au bout de laquelle il a pu se forger une expérience et mettre de côté une petite épargne, Mustapha a eu l’idée d’ouvrir un café au bas de la maison de ses parents, à Derb Soltan, nullement par manque d’imagination, mais parce qu’il maîtrise bien le métier.Avec un local de 100 m2 qui ne lui a pas coûté un sou, des travaux d’aménagement qu’il a financés par ses propres moyens, et du matériel en provenance d’Italie, ce petit investisseur n’a pas eu besoin de contracter un crédit, même si le directeur de l’agence bancaire de son quartier, son client d’ailleurs, le lui a proposé. Au cœur de Derb Soltan, Mustapha a ouvert un café relativement chic par rapport à ses concurrents. Les aménagements lui ont coûté 800 000 dirhams, les équipements à peu près la même somme. Ce qu’il salue, c’est l’aide que lui ont fournie les responsables de sa commune urbaine. Ce dont il se plaint, c’est l’anarchie qui existe dans le secteur. Selon les dires du moqaddem de son quartier, il est le premier à avoir ouvert son café selon la réglementation et en respectant toutes les procédures administratives. Il emploie actuellement quatre personnes et il tient lui-même la caisse. Son café réalise en moyenne quelque 1 500 dirhams par jour, sachant qu’il vend un «café noir» à 5,50 dirhams. Après 9 mois d’activité, Mustapha est satisfait du rendement de sa petite affaire, même s’il affirme que le retour sur investissement est un peu lent. |
… et un quotidien chargé par la suite
Deux ou trois garçons, un barman, un caissier et la femme de ménage, c’est là votre équipage pour des journées qui commencent à 6h du matin et se terminent tard le soir. Votre quotidien consistera à approvisionner le café en matières consommables, à vous assurer de la bonne marche du lieu (éclairage, propreté, plaintes des clients…), à gérer votre personnel, et, quand c’est possible, sympathiser avec les clients. Pour les approvisionnements, la liste comprend naturellement le thé, le lait, la limonade, les fruits… et, principalement, le café. Selon les professionnels, les commandes des clients en café constituent près de 80% du chiffre d’affaires (café noir et café au lait). Ce qui veut dire que c’est le principal produit, auquel il faut accorder beaucoup d’attention. Ces même professionnels affirment que la meilleure qualité se trouve dans les cafés italiens. Bien choisir son fournisseur s’avère donc important. Les prix varient, selon la qualité, de 30 dirhams/kg pour la moins bonne à 240 dirhams/kg pour la meilleure.
Pour les salaires, il existe deux formules, les plus courantes sur le marché. La première est un pourcentage des commandes, donc un salaire de base variable (par exemple 50 centimes pour un café servi à 8 dirhams). La deuxième est un salaire fixe, qui varie de 1 000 à 1 800 dirhams, auxquels s’ajoutent les pourboires. Le salaire du barman doit être un peu plus élevé vu qu’il ne profite pas des pourboires.
Au total, il faut compter un peu plus que le tiers du chiffre d’affaires qui servira seulement à couvrir les charges fixes et variables, pour un taux de remplissage assez satisfaisant. La fixation des prix de vente est libre, mais pour que l’affaire marche, il faut qu’ils soient corrélés au standing des lieux, au niveau des charges, à la qualité du café servi, et, surtout, aux prix de vente de la concurrence immédiate.
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Le domaine des cafetiers est certes très rentable, et le service fourni n’est pas très compliqué. Seulement, le métier nécessite un contrôle assez rigoureux et permanent afin de s’assurer, d’une part, que le service rendu aux clients est irréprochable, et, d’autre part, que le chiffre d’affaires comptabilisé dans la caisse est le bon. Et pour cause, le personnel appartient généralement à une catégorie plus ou moins démunie et manque souvent de conscience professionnelle. Les propriétaires se disent obligés d’être présents tout au long de la journée pour ne pas se faire voler. Souvent, le caissier se met d’accord avec les serveurs et le barman pour servir des consommations sans les comptabiliser.Il existe, certes, des moyens de contrôle. A titre d’exemple, selon un propriétaire, pour un café normal, il faut 10 grammes de café soluble. Cet indicateur peut servir de référence pour contrôler les stocks, et le même concept peut être utilisé pour les jus, le sucre et toutes les matières difficilement quantifiables. Mais la présence reste importante, pour personnaliser le service et satisfaire la clientèle. On peut dire que la rentabilité dans ce domaine se fait au détriment de la liberté. |
Souhail Nhaili
www.lavieeco.com
2006-04-28